Le jour de l'émancipation - Qu'est ce que l'identité ?

Jack Lewis s'engage dans la marine en 1943 en tant que musicien. En réalité, il cherche à fuir sa famille car il a une particularité : il est né blanc dans une famille de noirs. Il a renié ses origines, il s'est marié avec une blanche, il vit dans un quartier blanc, il se considère comme un blanc. Mais tout se complique le jour où il doit retourner dans sa ville natale avec sa femme.

*Partenariat
Livre reçu gratuitement en échange d'un avis honnête
Merci à Decitre et aux Éditions Le Serpent à Plumes 

La lecture de ce roman a été un peu difficile. J'aimais beaucoup l'ambiance "jazz des années 45-50" et la liberté qui en émanait. Malheureusement, je n'arrivais pas à m'attacher au personnage de Jack et j'ai interrompu ma lecture pendant plusieurs mois. Dernièrement, j'ai eu envie de redonner une chance à cette histoire et de me laisser porter.

"William Henry n'avait jamais eu de chance avec les blancs, et maintenant, son propre fils était blanc"

Jack est donc un personnage avec une histoire assez particulière. Il est né blanc dans une famille de noirs, il a toujours ressenti le rejet silencieux de son père et en grandissant, il a choisi de rejeter sa famille à son tour. Jack est assez difficile à cerner. Au début du roman, on en sait très peu sur sa vie et sur les sentiments qu'il éprouve. 

Peu à peu, on revient sur son enfance et on commence à comprendre d'où vient le détachement du personnage. Les tensions raciales étant ce qu'elles sont à l'époque, Jack a de nombreuses difficultés à trouver sa place. Sa couleur de peau lui donne accès à des lieux et à des personnes qu'il ne pourrait pas fréquenter s'il était noir comme le reste de sa famille.

Jack se considère comme un blanc et de ce fait, il adopte une attitude négative et méfiante envers les noirs. Toute sa vie, il a fait son possible pour effacer complètement ses origines et vivre en accord avec sa couleur de peau. Il s'entête à vivre une vie rêvée alors qu'en réalité, il vit dans le fantasme qu'il s'est lui-même créé.

"Sa famille ne croyait pas qu'il était blanc, mais lui, il en était convaincu, et c'est tout ce qui comptait. Jack ignorait pourquoi, et il s'en fichait pas mal, mais il savait bien qu'il était blanc. il suffisait de le regarder pour le savoir"

La question de l'identité est évidemment centrale dans ce roman. La couleur de peau définit une grande partie de l'identité et particulièrement à cette époque. Dans le cas de Jack, sa couleur de peau, la façon dont les autres le voient, le milieu dans lequel il a grandit et le milieu dans lequel il choisit d'évoluer sont en constante contradiction. Comment peut-il définir son identité ? Est-elle un choix personnel ou un choix des circonstances ?

Le personnage est écartelé entre l'identité que les autres lui attribuent et celle qu'il s'attribue lui-même. Finalement Jack est-il blanc ou noir ? Ce roman m'a bouleversée bien plus que je ne voulais me l'avouer parce que jusqu’à aujourd'hui, je n'arrive toujours pas à me faire une idée claire sur Jack. Sa situation ébranle un peu mes certitudes et soulève de nombreuses questions. Son histoire nous pousse à nous interroger sur nos propres choix et leurs conséquences sur notre vie et celle des autres.

"Quand Jackson était tout petit, William Henry avait honte d'être vu avec lui, et maintenant qu'il est grand, c'est Jackson qui a honte d'être vu avec William Henry. On récolte ce qu'on sème"

Une histoire particulière sur les relations interraciales et familiales. L'ambiance est légère au départ et devient de plus en plus pesante. Ce roman nous fait sortir des sentiers battus et ne laisse certainement pas indifférent. 


Le jour de l'émancipation - Wayne Grady
Le Serpent à Plumes, 355 pages
Points, 336 pages

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